Patrick Luyat, Inspecteur de l’Éducation Nationale

Résumé

A l’école, lorsqu’on détaille les programmes qui régissent les enseignements, on s’aperçoit qu’une place importante est donnée à la lecture à voix haute par un adulte. L’acte de lire un texte aux enfants est plébiscité dans le cadre des démarches pédagogiques. La lecture par l’adulte développe chez l’enfant de multiples compétences qu’il utilisera dans sa vie future de citoyen. D’une part, il s’agit d’offrir aux jeunes enfants la possibilité de découvrir des textes qu’ils ne sont pas encore en capacité de lire. Au-delà de cet avantage incontestable, il y a l’image que renvoie l’adulte lorsqu’il lit, qui a valeur d’exemple pour les enfants qui, on le sait, réagissent, souvent, par imitation. D’autre part, et vous le vivez à chacune de vos interventions, la lecture partagée fait naître des émotions partagées. La diversité des textes, leur richesse aussi développent chez les enfants une imagination, une créativité qu’il est à notre époque indispensable de susciter. Enfin, et ce n’est pas un avantage mineur, lire des textes aux enfants développe le plaisir de lire.

Texte intégral

Fallait-il parler de compétences de lecteur ou plutôt de posture de lecteur ? J’ai choisi le deuxième terme car il recouvre, certes les compétences nécessaires pour devenir un lecteur expert mais aussi les attitudes indispensables pour devenir un lecteur que je qualifierai de responsable et d’éclairé.

Je vais organiser mon propos en trois temps. Tout d’abord, et très rapidement, vous livrez ce que le législateur dit, dans les programmes officiels, de la lecture à voix haute et de son importance. Je m’attacherai par la suite à décliner quelques avantages de cette lecture à voix haute par l’adulte sans, bien entendu, prétendre être exhaustif. Enfin, et c’est sur ce point surtout que je mettrai l’accent, je développerai, à partir d’un exemple, ce qu’il est important de réaliser pour aider les enfants à comprendre un texte, notamment les enfants qui sont éloignés de toute culture littéraire.

A l’école, lorsqu’on détaille les programmes qui régissent les enseignements, on s’aperçoit qu’une place importante est donnée à la lecture à voix haute par un adulte. A l’école maternelle, le premier objectif est de familiariser les jeunes enfants au langage écrit. En effet, à leur âge, seul le langage oral leur est familier et l’entrée dans l’écrit s’avère souvent une chose complexe. La différence entre langage oral et langage écrit déstabilise bon nombre d’entre eux. Pour un enfant de quatre/cinq ans, passer de « Moi les roues de mon vélo…et ben…elles sont toutes dégonflées. » à « Les roues de mon vélo sont toutes dégonflées. » est une opération mentale difficile qu’il va falloir accompagner. C’est pour cela que l’adulte, l’enseignant à l’école, va prendre en charge les échanges qui suivent la lecture d’un texte et guider les enfants vers une compréhension de l’écrit. Bien sûr, le choix des textes est primordial et il répondra à une progressivité qui prend en compte l’âge des enfants mais aussi leurs capacités à entrer dans l’écrit (ce qui implique une confrontation très fréquente avec l’objet livre dans et hors de l’école).

Au cycle 2, les instructions officielles font encore la place belle à la lecture par l’adulte. Nous verrons plus tard la raison principale de cette préconisation mais nous pouvons constater que le terme de compréhension est encore présent. Au cycle 3, alors que nous pourrions penser que les enfants sont devenus des lecteurs plus avertis et que la lecture par l’adulte tendrait alors à disparaître, les programmes prônent une fois de plus cette activité pour accéder à la compréhension. Vous voyez que l’acte de lire un texte aux enfants, acte qui nous occupe aujourd’hui, est totalement plébiscité dans le cadre des démarches pédagogiques.

En fait, la lecture par l’adulte contribue à la construction et au renforcement de la posture de lecteur. Elle développe chez l’enfant de multiples compétences qu’il sera amené à utiliser dans sa vie future de citoyen. Tout d’abord, dans un cadre général, il s’agit d’offrir aux jeunes enfants la possibilité de découvrir des textes qu’ils ne sont pas encore en capacité de lire. Amener l’enfant à découvrir des horizons littéraires que sa lecture encore hésitante ne lui permet pas d’entrevoir. Au-delà de cet avantage incontestable, il y a l’image que renvoie l’adulte lorsqu’il lit (son intérêt, son ton de voix…), qui a valeur d’exemple pour les enfants qui, on le sait, réagissent souvent par imitation. Ensuite, l’attention et la concentration que nécessite l’écoute d’une lecture à voix haute sont aussi à mettre en valeur. J’y reviendrai plus tard car ces capacités qui relèvent d’un savoir-être ne sont pas toujours intrinsèques chez les enfants qui sont en face de nous. D’autre part, et ça vous le vivez à chacune de vos interventions, la lecture partagée fait naître des émotions partagées. Le caractère émotionnel de l’écrit doit être au cœur de notre réflexion car c’est bien en s’immisçant dans l’univers émotionnel de l’auteur que l’on parvient à accéder à une compréhension fine de son message. La diversité des textes, leur richesse aussi développent chez les enfants une imagination, une créativité qu’il est à notre époque indispensable de susciter. Imaginer l’environnement de l’histoire, ce que ressentent les personnages, la suite d’une histoire sont autant de pistes de travail à envisager. Il ne faudrait pas négliger bien entendu les connaissances que peuvent assimiler les enfants au cours de ces séances. Connaissances encyclopédiques (sur le monde qui les entoure), connaissances linguistiques qui les aideront aussi à mieux écrire, connaissances plus personnelles sur les sentiments dégagés au cours de la lecture. Enfin, et ce n’est pas un avantage mineur, lire des textes aux enfants développe le plaisir de lire.

A ce titre, je souhaitais vous faire partager un sondage réalisé au cours de l’enquête PISA (il s’agit d’une évaluation internationale qui évaluent les compétences des élèves de 15 ans dans des domaines comme les mathématiques, le français et les sciences par exemple). Les évaluateurs ont questionné les élèves sur le plaisir qu’ils éprouvaient lorsqu’ils lisaient. On peut constater une baisse de 10% entre 2000 et 2009, ce qui donne évidemment à réfléchir…

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