Lire à la crèche par Michèle Rochat

A Lyon et dans les communes voisines notre association intervient dans plus d’une trentaine de structures « petite enfance ». Pour chacun et chacune de nous l’engagement à lire à des tout-petits est une aventure délicieuse, pleine de sourires et de surprises. Chacun chacune trouve son style : calme, posé, un peu guignol et s’émerveille de l’espace interactif qui se construit séances après séances. Les bébés sont accueillis en crèche, jusqu’à l’âge de 3 ans, puis, ils vont à l’école maternelle. Cette première période de la vie est marquée par tous les apprentissages. De semaine en semaine, les enfants évoluent, font des acquisitions des progrès, se mettent à marcher, à parler, à jouer pour de semblant. Alors qu’ils comprennent tout et ne parlent pas encore ils s’expriment avec leur corps. Par ex un enfant peut partir à 4 pattes parce qu’il à vu une grosse bébête qui ne lui plait pas sur la page du livre. Les autres le suivent. A nous de dire ce que nous avons décrypté de leur crainte. « c ‘est dans le livre, c’est une histoire… Nous utilisons le registre corporel pour soutenir leur participation. Nous apportons nos livres et devons capter leur attention : ils peuvent toucher, gratter, imiter les cris d’animaux, mimer les codes qui accompagnent les images et les mots.(serpent singe etc..). Ils sont invités chacun leur tour à agir sur les languettes, les tirettes et les bobinettes.  Leurs attitudes nous informent sur ce qui les intéresse : Qu’un éléphant trouve une caisse de livres dans la savane peut les laisser indifférents, mais soulever une languette sous laquelle le petit chien retrouve sa maman, c’est la jubilation, et chacun leur tour ils ne se lassent pas de répéter le geste qui fait retrouver « maman ». Vous avez remarqué que pour lire aux petits nous bousculons un peu les conseils qui sont donnés aux lecteurs et lectrices : « Ne pas changer les mots, par respect pour le texte et son auteur, avoir une qualité de présence qui donne toute sa place à l’histoire lue. » Nous aménageons un peu les consignes « « couic » » qu’est-ce qu’on entend ? une souris verte !!! Nous instaurons des codes liant gestes, mots et bruitages qu’ils reproduisent avec plaisir. Nous répétons comptines et ritournelles. D’une semaine à l’autre ils se mettent à parler. Nous apprenons que, chez eux, ils racontent des histoires à leurs nounours bien assis en face d’eux. Nous leur racontons, ils écoutent, et nous les écoutons pour soutenir leur plaisir de parler, de raconter eux aussi. L’interaction entre le livre, la lectrice et le petit groupe laisse aux enfants la possibilité d’intervenir sur le déroulement de l’histoire. Ex : «  devine combien je t’aime. » Un grand lièvre et un petit ont caracolé dans la campagne et l’heure est venue pour le petit d’aller dormir. De page en page le grand et le petit se disent combien ils s’aiment. C’est alors qu’une petite fille s’allonge et dit « je veux un câlin » ses voisins s’allongent eux aussi et je continue l’histoire en chuchotant sur un rythme de berceuse. D’une semaine à l’autre celui qui ne parlait pas, qui baragouinait, se met à parler clairement. Il peut en sourdine me faire la stéréo et répéter ce que je dis avec un tout petit décalage. Ils s’intéressent à mes livres, et je prends le temps de les écouter : « papa est au travail, maman est partie en voiture, j’ai deux maisons est-ce que tu veux être ma mamie ? » Voilà : les livres d’images, les histoires, les comptines stimulent l’imagination, favorisent le vivre ensemble : on s’écoute, on respecte le chacun son tour, on contrôle ses gestes pour ne pas déchirer les livres, tout cela pour préparer la découverte des histoires pour les grands.

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